Depuis 2009, le groupe AccorHotels a financé la plantation de 4 millions d’arbres dans le monde grâce à un programme de reforestation innovant. Retour sur le dispositif RSE phare du groupe
L’équivalent de 2400 stades de football, soit 4 millions d’arbres. C’est ce que le groupe hôtelier français AccorHotels a contribué à replanter dans le monde depuis six ans, grâce à son programme “Plant for the planet”. Et il projette d’aller plus loin. D’ici à 2021, le groupe compte atteindre 10 millions d’arbres replantés. L’objectif a été validé en 2015 en Assemblée générale par les actionnaires d’AccorHotels, via l’adoption à plus de 96% d’une “résolution de l’arbre”. De façon inédite, puisque c’est la première fois qu’une société du CAC40 fait voter à ses actionnaires une résolution à caractère environnemental. “Plant for the planet est un programme robuste, donc nous voulions proposer aux actionnaires de poursuivre l’engagement“, commente Arnaud Herrmann, directeur du développement durable chez AccorHotels.
Le principe? Dans les hôtels du groupe, les clients restant plus d’une nuit sont invités à faire un geste pour la planète en réutilisant leur serviette de toilette. AccorHotels réalise ainsi des économies de blanchisserie, utilise moins d’eau, d’énergie et de produits détergents. En contrepartie, la moitié de ces économies est affectée à des programmes de reforestation. Sur 13 millions d’euros économisés depuis 2009 par le groupe, 7,5 millions d’euros ont permis de planter des arbres, au sein de projets d’agroforesterie, proches de l’implantation des hôtels du groupe.
Agir sur la chaîne de valeurs
C’est là une particularité d’AccorHotels. Après avoir longtemps soutenu une dizaine de projets de reforestation déconnectés de son activité, le groupe s’est recentré sur ses filières avec l’agroforesterie. Un tournant impulsé par le cabinet de consultant Pur Projet (dirigé par le fondateur d’Alter Eco Tristan Lecomte), avec qui il collabore depuis cinq ans. “Nous voulons agir sur notre chaîne de valeurs. Nous finançons des projets avec une dimension sociale pour des agriculteurs auprès desquels nous nous approvisionnons“, explique Arnaud Herrmann. Au Maroc, par exemple, une vingtaine d’hôtels du groupe soutiennent la coopérative d’huile d’olive Femmes du Rif. La moitié de la production est achetée par les hôtels, qui l’utilisent en cuisine ou la vendent à leurs clients. “Nos deux critères de sélection principaux consistent à soutenir des projets qui n’existeraient pas sans nous et la traçabilité. Pour chaque arbre planté, nous avons un certificat et la garantie que si l’arbre meurt, il sera remplacé“, défend Arnaud Herrmann.
Une participation volontaire des hôtels
La participation des hôtels du groupe à Plant for the planet s’effectue sur une base volontaire. Pour une entreprise comme AccorHotels qui regroupe 3700 hôtels dans le monde, dont de nombreux franchisés, il faut donc sans cesse convaincre et communiquer en interne sur ce programme. “Fin 2014, 44% de nos hôtels participaient et nous sommes en bonne voie pour atteindre notre objectif de 60% d’hôtels d’ici à la fin de l’année“, explique Arnaud Herrmann. “Pour faire face aux réticences en France, où certains hôtels ne voyaient pas l’intérêt de participer à des programmes lointains de plantation, nous avons développé des projets d’agroforesterie locaux.“
Autre difficulté: convaincre les clients, sans qui le programme ne peut pas fonctionner. “Nous communiquons sur du concret. Dans les halls d’hôtels, nous expliquons aux clients par une signalétique dédiée que c’est grâce à eux qu’autant d’arbres ont été replantés“, poursuit Arnaud Herrmann.
Pour mesurer les économies de blanchisserie réalisées par les hôtels volontaires et affecter ces sommes aux projets de reforestation, AccorHotels utilise son outil de pilotage en développement durable Open, auquel tous les hôtels ont accès. Après avoir longtemps demandé aux équipes des hôtels de rentrer scrupuleusement leurs factures de blanchisserie et le détail du nombre de serviettes lavées, l’hôtelier a développé un modèle moins chronophage. Il permet d’extrapoler ces montants, en tenant compte de la marque de l’hôtel (il en détient 15), de son pays d’implantation et de l’indice de fréquentation.
AccorHotels, leader de la reforestation?
À leur échelle, les 5 millions d’arbres replantés grâce à AccorHotels ne compensent qu’une journée de déforestation (selon le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, 2000 arbres sont coupés chaque minute). Le groupe espère donc passer à la vitesse supérieure. “Nous envisageons de proposer aux clients de réutiliser leurs draps“, explique Arnaud Herrmann.
Le directeur développement durable du groupe officialisera aussi prochainement la naissance d’un consortium d’entreprises engagées dans la reforestation au sein de leurs filières d’approvisionnement: “À travers la plateforme que nous allons mettre en place, nous voulons accroître la recherche académique sur les bénéfices de l’arbre et changer d’échelle dans la reforestation“. Le groupe a compris qu’il avait un rôle de premier plan à jouer. À l’occasion de l’annonce de son partenariat avec la COP21, dans lequel AccorHotels s’est engagé à compenser toutes les nuitées d’hôtel pendant la durée de l’événement, y compris celles de ses concurrents, le P-DG d’AccorHotels Sébastien Bazin n’a pas laissé de place au doute: “Nous voulons assumer notre leadership dans le secteur sur ces questions“.
Insetting. La méthode Pur Projet
Pur Projet coordonne l’ensemble des projets de Plant for the Planet. Sa méthode? L’insetting. “À la différence de ‘l’offsetting’ classique (compensation carbone), où les actions de compensation ont lieu dans un endroit distinct et via des acteurs et des
techniques décorrélés de l’activité, l’insetting intègre les engagements socio-environnementaux des entreprises au cœur de leurs filières et métiers“, explique Pur Projet sur son site internet. Une notion forgée par Thomas Poole de Adaptogether, autre cabinet de consultant spécialisé dans l’amélioration des chaînes d’approvisionnement.
Pur Projet reverse les fonds provenant d’AccorHotels aux agriculteurs pour qu’ils plantent des arbres. Il se charge à la fois de la sélection des projets et de leur suivi. “Nous nous assurons que les arbres sont bien plantés, sur une période de 40 ans. Nous effectuons trois à cinq visites par an, avec des présences permanentes dans la plupart des projets, par nos équipes ou des personnes que nous rémunérons au sein des organisations locales. Le reporting pour AccorHotels est a minima biannuel au niveau des plantations, et avec des rapports supplémentaires à la demande des filiales pays en général“, explique Tristan Lecomte, fondateur de Pur projet. Afin de prouver la valeur des arbres et de valoriser leurs services écosystémiques, Pur Projet a lancé l’initiative Pur Lab, un partenariat avec les entreprises et des universités (dont Yale). Le cabinet de consultant a ainsi développé sa propre méthode en deux temps.
Sur le terrain, il effectue des relevés qui permettent, par exemple, de mesurer l’érosion évitée grâce à la plantation d’arbres. Le résultat obtenu s’exprime en tonne de terre érodée évitée, par hectare et par an. À partir des mesures réalisées dans l’étape précédente, Pur Projet chiffre ensuite le prix d’une tonne de terre en fonction du coût de main-d’œuvre nécessaire à remblayer le terrain. Pour donner une valeur économique à ce type de services écosystémiques, il s’appuie sur un large corpus d’articles scientifiques et utilise la base de données de l’initiative onusienne “The economics of ecosystems and biodiversity” (TEEB).
“On sait ainsi qu’un hectare coûte certes 5000 euros en reforestation mais rapporte 8000 à 20.000 euros en services écosystémiques“, souligne Tristan Lecomte. Mais le but de l’opération n’est pas de vendre ces services. “Nous voulons simplement montrer que l’arbre n’a pas qu’une fonction poétique et culturelle. Les arbres absorbent le dioxyde de carbone, les nitrates, les phosphates, les métaux lourds, etc.“
Pour AccorHotels, Pur Projet a sélectionné des plantations en lien avec les fournisseurs du groupe, dans des zones proches de l’implantation des hôtels ou en lien avec des problématiques spécifiques. Le cabinet de consultant se focalise sur les petits producteurs. “Nous travaillons avec des producteurs gagnant aux alentours d’un dollar par jour, et qui entretiennent un hectare de terre“. Pur Projet s’appuie pour cela sur des coopératives agricoles ou des communautés villageoises.
Pour le cabinet de consultant, ces projets d’agroforesterie génèrent une multiplicité de valeurs sociales, économiques et environnementales qui vont bien au-delà de la compensation carbone. “Elle est faite pour aider les populations qui n’ont pas les moyens de se développer. Le crédit carbone, c’est simplement une façon de diviser un projet en unité comptable“, juge ainsi Tristan Lecomte, qui conseille la plupart du temps à ses clients de ne pas s’inscrire dans un schéma de compensation.
Pur Projet n’a ainsi proposé à AccorHotels qu’une seule plantation certifiée Verified carbon standard (VCS), à Alto Huayabamba au Pérou. Le groupe hôtelier souhaitait en effet compenser toutes les nuitées d’hôtel pendant la COP21. Ce type de projet requiert une certification plus lourde. “Le certificateur s’assure que notre projet vise bien à effectuer une compensation carbone, et que sans notre intervention, il ne fonctionnerait pas. Il effectue des visites tous les cinq ans, pendant 40 ans, explique Tristan Lecomte. Il s’assure que nous avons bien référencé nos parcelles avec un GPS. Quand nous avons besoin de générer des crédits, il vérifie le diamètre à hauteur de poitrine (DHP) de l’arbre. En faisant le rapport entre le diamètre et la masse, on peut calculer combien de carbone a été séquestré“. Les organismes de certification délivrent ensuite un certificat unique par arbre, qui est enregistré par Pur Projet dans le registre Markit. Cela évite qu’il ne soit vendu deux fois. Mais certifier coûte cher: un demi-million d’euros sur 40 ans.
Dans le cadre de ces projets certifiés “VCS”, l’association écologiste Les Amis de la Terre a estimé que les communautés n’avaient pas été suffisamment consultées et que les contrats noués avec Pur Projet -dans lesquels les communautés s’engagent à reverser leurs crédits carbone- relevaient d’une forme de spoliation du “droit au carbone”. Pour Tristan Lecomte, cette accusation ne tient pas: “On ne travaille qu’avec des organisations participatives. Nous percevons des crédits carbone, en échange des investissements que nous effectuons. Rien ne les empêche de vendre les crédits à d’autres, mais personne dans cette région ne s’engage à conserver des parcelles pendant 40 ans, sauf nous!“. Las de ces critiques, Tristan Lecomte n’entend pas remettre en cause ses projets. Il lancera bientôt un fonds d’impact investing spécialisé dans les projets d’insetting et d’agroforesterie.