AMAP : le mot est sur toutes les lèvres. Les « Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne » seraient le moyen idéal de combiner qualité, bio, économie solidaire et préservation de l’environnement. Manger sainement et soutenir l’agriculture locale serait possible, en supprimant tout intermédiaire entre la ferme et l’assiette.
Un projet qui séduit, et qui bénéficie d’un statut associatif protégé depuis 2003. Les AMAP sont même devenues tendance. Elles se démocratisent et se multiplient, jusqu’à susciter la convoitise. Parfois au détriment des fermiers comme des consommateurs. Youphil vous dit comment distinguer le vrai du faux.
Les AMAP, kézako ?
Déposé à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle), le terme AMAP sert à désigner un partenariat local entre un producteur et un groupe de clients. Ils décident ensemble d’un partage des récoltes, et échangent chaque année pour fixer les prix et les quantités. Voilà pour la théorie.
Dans les faits, l’agriculteur crée lui-même un panier type, contenant une certaine quantité de nourriture, et en fixe le prix en fonction de ses coûts de production et de la marge qu’il souhaite dégager. Un prix qui est un argument de poids pour le consommateur : avec l’AMAP, pas d’intermédiaire. Aucun négociant, grossiste ou supermarché n’alourdit la facture. Le nombre d’acteurs supplémentaires cherchant à dégager une marge est réduit à néant… Et le prix s’en ressent. Il est inférieur à celui des grandes surfaces, le tout pour une qualité supérieure.
En plus des économies réalisées, l’acheteur participe à la santé financière de l’exploitation. Il accepte la part de risque inhérente au métier, comme de mauvaises récoltes, avec des quantités plus limitées. Il s’engage aussi à venir chercher son panier à chaque échéance… Voire à donner un coup de main à la ferme ! Le producteur, lui, fait son possible pour proposer des produits variés et qualitatifs, et limiter le gaspillage alimentaire.
Un échange humain et financier qui profite aux deux parties, comme à l’environnement.
Pour rejoindre une AMAP, le procédé est simple. Le consommateur contacte l’agriculteur, le rencontre, puis paye sa part. Il profite ensuite toute l’année d’aliments de saison, frais et la plupart du temps cultivés dans le cadre d’une agriculture biologique. Certaines AMAP ne sont pas bio, il appartient au consommateur de se renseigner sur le mode d’exploitation.
Les circuits courts sur le web, une illusion ?
Les AMAP sont majoritairement gérées par de petits producteurs, qui n’ont ni les moyens ni le temps de communiquer sur leurs activités. Beaucoup d’exploitants manquent donc de visibilité pour vendre leurs paniers. Difficile aussi pour les urbains de trouver une AMAP répondant à leurs envies.
Pour rapprocher acheteurs et producteurs et faire prospérer les AMAP, des sites de mise en relation ont vu le jour. Ils permettent à tous de profiter de trouver, en ligne, des produits régionaux biologiques. Exemple avec Mon-panier-bio.com : fruits et légumes, viandes et poissons peuvent être commandés directement auprès d’une AMAP recensée sur le site. Toutes les régions sont représentées. Une fois sur le site, il suffit de choisir son emplacement géographique pour voir s’afficher les exploitations à proximité. Un lien vers le site de chaque AMAP permet d’en savoir plus (malgré le nom du site, tous les paniers ne sont pas bio !) et d’acheter.
Un procédé contradictoire ? Le passage par le site crée bien un nouvel intermédiaire, virtuel cette fois-ci. Malgré tout, le circuit court est conservé. Le panier reste livré par un producteur situé à proximité : pas de grossistes ni de négociants n’interviennent dans le processus.
Attention cependant : de nombreux sites n’ont pas de statut clair. Mon Panier Bio se définit comme un portail cherchant à « favoriser les initiatives de distribution de fruits et légumes bio de proximités ». Mais cette action est-elle bénévole, ou le site touche-t-il une commission ? Vient-il biaiser le principe même de l’AMAP ? Partiellement, oui. Rendez-vous dans l’article 2 des Conditions Générales de Vente (CGV) : on peut y lire que l’inscription à l’annuaire est payante pour les distributeurs de paniers. Un coût fixé à 89€ par an.
Les AMAP deviendraient donc, avec Internet, un e-business comme les autres. Une réalité dénoncée par les associations : de nombreux sites ventant les circuits courts et locaux profiteraient en fait du système. La start-up française « La Ruche qui dit Oui » est sur le banc des accusés.
La Ruche Qui Dit Oui, une « fausse » AMAP qui fait le buzz
Comme Mon-panier-bio.com, la Ruche Qui Dit Oui (RQDO pour les intimes) propose de mettre en relation consommateurs et producteurs locaux.
Sa principale différence : ici, plus d’argent échangé avec le fermier. Le site permet de commander directement un panier en ligne, dans l’une de ses 700 ruches. Le paiement se fait par Paypal ou carte bancaire, comme chez n’importe quel e-commercant. Et il est sans engagement : à la différence de l’AMAP, pas la peine de payer à l’année ou d’échanger avec l’agriculteur.
Que sont vraiment ces ruches ? Selon l’Amap Bio Devant, ce sont de petites structures à but lucratif. Elles regroupent plusieurs agriculteurs et gèrent les commandes pour eux. En échange, elles leurs promettent du volume de vente, et un système de gestion allégé. Elles prélèveraient 10% du prix de vente du panier, tandis que La Ruche Qui Dit Oui prélèverait 10% supplémentaires. Au final, ce sont 2 intermédiaires entre consommateur et producteur, et une marge de 20% qui vient peser sur le prix. Le circuit court semble bien loin…
Selon d’autres associations, la distribution entière est annulée si les consommateurs ne sont pas assez nombreux. Soit une perte sèche pour l’agriculteur, en termes de revenus comme de marchandises. Une information difficile à confirmer, mais qui s’ajoute à une longue liste de dérogations à « l’esprit AMAP ».
Alors comment tout concilier ? Manger bio et local, respecter l’environnement, soutenir les petits producteurs et payer le juste prix ? Seules des recherches poussées vous aideront à trouver le panier de vos rêves. Le site du réseau (à but non lucratif) recense les structures régionales ici.
Mieux vaut éviter les grosses structures de distribution comme la Ruche, et mobiliser son réseau. Le bouche-à-oreille est un bon moyen de découvrir des circuits courts proches de chez soi. Une autre solution : partir à la découverte de sa région, et ne pas hésiter à pousser le portail de la petite ferme que vous croiserez au bout du chemin. Une AMAP s’y cache peut-être !