Le directeur RSE de l’école de management de Nantes Audencia, André Sobczak, nous dévoile sa stratégie pour intégrer le développement durable dans toutes les formations.
Youphil: Comment se traduit l’intégration de la RSE dans votre école?
André Sobczak: Nous avons fait le choix de ne pas créer de master spécialisé en développement durable ou en RSE. La RSE n’est pas un métier de quelques spécialistes. Certes, il faut dans les entreprises des personnes qui coordonnent la démarche RSE, mais c’est un domaine qui concerne l’ensemble des métiers de l’entreprise. Nous avons donc développé une approche transversale, en prenant l’engagement de consacrer 10% du volume horaire, dans chacun de nos cours, aux thématiques RSE. C’est essentiel, sinon elle sera toujours perçue comme un domaine à part et l’on continuera à faire du business as usual, en s’occupant, si on a le temps, des problématiques de développement durable, sans changer la stratégie, le business model et les pratiques de management.
Nous enseignons aux étudiants qu’il faut travailler avec des personnes différentes, qui ont des points de vue qu’ils ne partagent peut-être pas, mais que c’est cela qui va stimuler l’innovation. Ils sont ainsi mis en contact avec des ONG, des syndicats, des collectivités locales. Il y a quelques années, les étudiants rencontraient presque uniquement des multinationales.
Concrètement, comment cela s’organise?
Nous avons sensibilisé et formé tous nos professeurs (finance, marketing, comptabilité, droit, management, RH, stratégie…) pour qu’ils abordent dans leurs cours les enjeux RSE qui les concernent, à travers, notamment, des études de
cas. Il est important qu’en cours de finance, il y ait du temps consacré à la finance socialement responsable, à la microfinance, aux indicateurs de développement… En cours de marketing, seront enseignés des sujets tels que les labels, le greenwashing, les attentes des consommateurs, etc.
N’est-il pas compliqué de changer cette vision du business, notamment vis-à-vis des professeurs?
Cela s’est opéré progressivement sur dix ans. Peu à peu, on a su attirer de nouveaux professeurs, souvent plus jeunes, plus ouverts et formés à ces thématiques-là. Lors des recrutements, nous prêtons attention à leurs spécialités, en favorisant ceux qui avaient déjà fait une thèse ou des travaux de recherche en lien avec la RSE. Pour les plus anciens, nous avons essayé de leur montrer qu’il s’agissait d’une opportunité pour développer des recherches transversales intéressantes. Au cours des trois dernières années, 40% de nos professeurs ont réalisé au moins une publication académique sur la RSE ou le développement durable.
Travaillez-vous sur une réflexion plus globale pour intégrer la RSE dans l’enseignement supérieur?
Oui, il y a des réflexions à différents niveaux. Aujourd’hui, 500 écoles de management et universités du monde sont réunies au sein de la plateforme onusienne “Principles for responsible management education” (Prime). Nous échangeons et mettons en place des outils sur plusieurs thématiques. Dernièrement, nous avons travaillé avec différents pays sur la lutte contre la corruption et développé un kit pédagogique en accès libre sur le site. Au niveau national, la Conférence des grandes écoles (CGE) et la Conférence des présidents d’université (CPU) ont un groupe de travail sur l’intégration de la RSE dans la pédagogie et la recherche au sein des écoles et universités. Enfin, en local, nous travaillons avec l’École centrale et l’école supérieure d’architecture de Nantes. Nous créons des synergies entre les étudiants pour imaginer des solutions, sur la ville de demain par exemple, au travers de projets qui mêlent les compétences des ingénieurs, des architectes, des managers et des financiers.
En 2010, Audencia a fait le choix de s’engager auprès de l’ONG WWF, pourquoi?
Ce partenariat, que nous renouvelons tous les trois ans, contient deux volets. Le premier concerne la pédagogie. L’engagement le plus visible est celui de consacrer 10% de nos cours aux enjeux RSE. Nous avons atteint, pour le moment, entre 8% et 9% d’intégration. Il y a aussi un critère qualitatif sur la pertinence des thèmes abordés par les professeurs: est-ce qu’il n’y a pas d’oublis? Est-ce qu’on ne parle pas du changement climatique dans cinq cours différents? Ce volet comprend aussi la nécessité d’intégrer la RSE dans les rapports de stage. Enfin, lors de l’oral de fin de parcours, nous les interrogeons systématiquement sur les compétences liées à la RSE qu’ils ont développées.
Le deuxième volet est sur l’exemplarité de l’école: pour être cohérents, nous devons appliquer ces principes à nous-mêmes. Nous avions comme objectif de réaliser un bilan carbone, c’est fait. Nous travaillons avec un restaurateur labellisé RSE, nous avons également développé une charte pour l’organisation d’événements par l’école et les associations étudiantes… Les initiatives sont nombreuses. Le WWF nous challenge régulièrement, en nous poussant à trouver de nouveaux objectifs. Les efforts sont ainsi continus.