Packaging durable: le pari de l’éco-conception

Dans un contexte global de lutte contre les déchets, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à améliorer la qualité de leur “packaging” et à s’aventurer sur le terrain de l’éco-conception.

Nous ne résoudrons pas la question des déchets par les emballages“, prévient d’emblée Henri Saporta, directeur de publication d’Emballages Magazine et spécialiste des questions de packaging durable. Un constat: les emballages ne représentent que 1,6% du poids des déchets nationaux, d’après l’Ademe. L’emballage a pourtant aujourd’hui mauvaise presse. Il faut dire que les poubelles des Français sont de plus en plus voraces et les emballages représentent tout de même 20% du poids des déchets ménagers et près de 50% de leur volume.

Les ménages français consomment de plus en plus de produits emballés. Croissance de la population, réduction de la taille moyenne des ménages, croissance des ménages d’une personne ou deux… Plusieurs facteurs sociodémographiques expliquent cette tendance.

Dans les grandes entreprises de biens de consommation, le packaging durable est devenu un champ d’innovation à part entière. Cette année, le groupe Unilever a annoncé le déploiement progressif de sa nouvelle technologie MuCell, qui permettra de produire des flacons de gel douche pour sa marque Dove avec 15% de plastique en moins, grâce à l’injection de bulles d’air dans la matière. Le fabricant de jouets Mattel a également lancé l’innovation Paper ties, des attaches certifiées FSC pour remplacer les liens en plastique destinés à maintenir les jouets dans l’emballage. Plus écologiques, elles sont également plus faciles à enlever par le consommateur.

Les entreprises travaillent aussi de plus en plus ensemble sur ces questions: en Angleterre, Unilever et Nestlé ont uni leurs forces au sein du programme “Reflex”, pour améliorer les packagings fexibles comme les sacs plastiques, les recharges de lessive et emballages pour bonbons.

Une tendance à la simplicité

En France, la vente en vrac et la consigne n’ont jamais été aussi “hype”. À Bordeaux, le magasin La Recharge est garanti sans emballage jetable et dans le Nord, l’entreprise Jean Bouteille teste un système qui permettrait à terme au consommateur d’acheter huile, vinaigre, jus, vin, soda ou bière à moindre coût, grâce à la mise en place de verre consigné. Des expériences encore marginales mais qui montrent que la tendance à plus de simplicité, de frugalité, et d’économies dans le packaging est bel et bien là.

Pour les entreprises, reste à trouver une manière de réinventer les emballages des produits qu’elles commercialisent, pour les rendre les plus écologiques possible. Tout en tenant compte d’un certain nombre de contraintes. L’emballage doit en effet remplir son rôle premier: garantir des fonctions de conservation et de protection du produit. Il sert aussi à informer. “On voudrait que l’emballage disparaisse parce qu’il est encombrant mais la réglementation impose de plus en plus de contraintes“, explique Henri Saporta, à l’heure où le nouveau règlement européen Inco sur l’étiquetage des denrées alimentaires entre en vigueur.

L’emballage sert aussi à regrouper des produits, les transporter ou les stocker, attirer le regard du consommateur en rayon et en faciliter l’usage. En 2009, la filiale de PepsiCo FritoLay avait ainsi omis un de ces aspects. En conditionnant ses “Sunchips” dans un emballage compostable, l’entreprise avait fait l’impasse sur la prise en main par les consommateurs qui s’étaient plaints…du bruit du paquet! Et ses ventes avaient chuté. Repenser son packaging à l’aune du développement durable nécessite donc une véritable approche globale.

L’éco-conception comme réponse

Dans ce contexte, l’éco-conception, “démarche d’entreprise consistant à intégrer l’environnement dès la phase de conception des produits“, d’après l’Ademe, est une voie d’avenir. Mais il s’agit d’une démarche qui peut demander d’importants ajustements sur les lignes de production, lorsqu’il faut par exemple changer les volumes des emballages. “Elle vise la réduction des impacts négatifs du produit sur l’environnement tout au long de son cycle de vie (extraction de matières premières, production, distribution, utilisation et fin de vie) tout en conservant sa qualité d’usage (même performance et/ou même efficacité)“, poursuit l’agence.

La plupart des démarches sérieuses en matière d’éco-conception s’appuient d’ailleurs sur une analyse de cycle de vie (ACV), une approche encadrée par les normes ISO14040 et ISO14044. Exigeante, cette démarche n’est pas forcément visible par le consommateur, et c’est là toute la difficulté. À l’inverse, grande est la tentation de verdir le packaging d’un produit, sans travailler sur la réduction d’impact en amont et en aval.

La réduction des emballages

En matière d’éco-conception, il n’y a donc pas de recette miracle mais plusieurs leviers. La réduction de la taille ou du poids des emballages a jusqu’ici été plébiscitée par la plupart des entreprises. En moyenne, entre 1994 et 2009, une bouteille d’eau d’1,5 litre a ainsi perdu près d’un tiers de son poids et une canette 16% de son poids, d’après Eco-Emballages. Depuis le décret du 1er avril 1992, toute entreprise (producteur, distributeur, importateur) responsable de la première mise sur le marché français de produits emballés destinés au grand public doit en effet “contribuer ou pourvoir à l’élimination de ses déchets d’emballages ménagers“.

L’entreprise peut choisir d’éliminer elle-même ses déchets, par un système de consignation ou par la mise en place de points de collecte, ou d’adhérer à un organisme agréé par les pouvoirs publics, prenant en charge les emballages usagés de ses contractants. En l’occurrence Eco-Emballages. En moyenne, les entreprises versent 0,6 centime d’euros par emballage à l’organisme, qui reverse ces fonds aux collectivités. Un tarif modulé notamment en fonction du poids. Réduire à la source les emballages permet donc d’économiser les matières premières, les coûts de transport, d’éviter les déchets et de réduire sa contribution à Eco-Emballages.

La ruée vers les matériaux bio-sourcés

Autre levier: l’utilisation de matériaux recyclés ou renouvelables. Pour lutter contre la pollution marine, l’entreprise française d’emballages ménagers Sphère a mis au point Blueplast, un plastique hydro-biodégradable dans l’eau. Une façon de prévenir en amont, les dommages causés par les montagnes de sacs plastiques qui se retrouvent chaque année dans les rivières, lacs ou océans.

En Sardaigne, l’entreprise Novamont produit quant à elle du plastique dérivé du chardon, un matériau renouvelable, et qui, à l’opposé de certains bio-plastiques, n’entre pas en compétition avec des terres agricoles dédiées à l’alimentation. Le géant de la boisson Coca-Cola s’est aussi positionné sur ce créneau des matériaux bio-sourcés en imaginant la “plantbottle”, une bouteille composée à 22,5% de PET d’origine végétale, “un matériau innovant conçu à partir de bioéthanol distillé, issu de cannes à sucre produites de façon durable au Brésil“, plaide la marque.

L’éco-conception est donc un mouvement en marche. Le Conseil national de l’emballage, instance de concertation pour améliorer la qualité des emballages a d’ailleurs publié un guide sur l’éco-conception et Eco-Emballages a recensé des bonnes pratiques en matière de réduction des emballages sur son site. Reste à embarquer le consommateur sur la voie du packaging durable. “C’est aussi au packaging d’apporter de vrais services. Il ne peut pas y avoir de compromis sur la qualité, l’esthétisme. Mais si le développement durable apporte quelque chose en plus en termes de praticité, d’économie, de bénéfices pour la santé, alors le consommateur est plus susceptible de l’adopter“, estime Laurence de Gaspary, directrice de l’agence de design Carré noir.